La « négligence » du dirigeant – un argument de défense dont l’application dans le temps reste en débat
La « négligence » du dirigeant – un argument de défense dont l’application dans le temps reste en débat
Une décision de la Cour d’appel de Versailles rendue le 7 novembre 2017 (C.A. de Versailles -13ème Chambre, Arrêt du 7 novembre 2017 – RG n° 17/04229) apporte une précision importante sur l’application dans le temps de l’exonération de responsabilité du Gérant prévue par la loi dite « Sapin 2 » du 9 décembre 2016 avec une entrée en vigueur au 11 décembre 2016.
Pour rappel, l’article L 651-2 du Code de commerce institue une sanction à l’endroit des dirigeants de fait ou de droit des sociétés mises en liquidation judiciaire par le biais de l’action en comblement de passif.
Ainsi, le dirigeant qui a commis une faute de gestion qui a eu pour conséquence l’augmentation du passif de la société peut voir sa responsabilité personnelle engagée.
La loi Sapin 2 a ainsi complété ledit article L. 651-2 du Code de commerce en prévoyant que
« Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée ».
Au titre de ce texte, la simple négligence du dirigeant n’est plus constitutive d’une faute de gestion.
Toutefois, il restait à savoir si cette réforme plus favorable aux dirigeants serait invocable dans le cadre des procédures ouvertes antérieurement à l’entrée en vigueur du texte.
La Cour d’appel de Versailles a répondu par la négative, jugeant que seules les procédures ouvertes postérieurement au 11 décembre 2016 se verraient appliquer cette réforme.
La motivation de la Cour est particulièrement motivée sur ce point :
« L’article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, dispose notamment que ‘lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion’.
L’article 146 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 a complété ces dispositions en insérant la phrase suivante : ‘Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée’. A défaut de disposition spécifique de la loi du 9 décembre 2016 rendant cette modification applicable aux procédures ouvertes avant l’entrée en vigueur de la loi et cette modification ne relevant ni d’une loi de procédure ou de compétence ni d’un texte interprétatif, le nouvel article L. 651-2 du code de commerce n’est applicable qu’aux procédures collectives ouvertes après le 11 décembre 2016.
Tel n’étant pas le cas de la procédure collective de la société La Boîte ouverte le 14 janvier 2014, M. X ne peut se prévaloir de cette modification législative. »
Les praticiens et dirigeants d’entreprises seront attentifs aux suites données à cette interprétation notamment par la Cour de cassation.