Clause de non-concurrence : L’employeur qui a libéré un salarié de sa clause de non concurrence peut-il changer d’avis ?

Le grand nombre de contentieux relatif à la clause de non-concurrence doit conduire les employeurs à faire preuve de la plus grande vigilance en cas de rupture du contrat de travail.

Il est constant qu’il n’est possible de renoncer à une clause de non-concurrence que sous certaines conditions.

Cette possibilité doit tout d’abord être prévue par le contrat de travail ou la convention collective applicable dans l’entreprise. (Cass. soc. 22 février 2006, n° 04-45406)

Si de telles dispositions existent, doivent alors être respectées les conditions de forme qui y sont fixées.

A notre sens, un délai précis et raisonnable de renonciation après la rupture du contrat de travail doit être inscrit dans la clause de non-concurrence conformément à la convention collective, pour que la renonciation soit valable et donc effective.

A notre connaissance, la jurisprudence ne s’était encore jamais prononcée sur la possibilité pour l’employeur de changer d’avis après avoir informé le salarié de la libération de sa clause de non-concurrence, quand bien même ce changement d’avis interviendrait dans le délai prévu par la clause de non-concurrence.

Dans une décision peu surprenante, rendue le 22 novembre 2017, la Chambre 6 Pôle 6 de la Cour d’Appel de PARIS, a considéré que « Si le contrat de travail réserve à l’employeur la possibilité de libérer le salarié de son engagement de non-concurrence dans le mois de sa lettre de démission, il ne lui ouvre pas la faculté de se rétracter dans le même délai ».

Il fallait s’attendre à une telle décision.

En effet, dans tous les domaines du droit social la manifestation d’un acte unilatéral ne peut être rétracté sans l’accord express de l’autre partie.

 

Ainsi :

  • Un salarié ne peut pas revenir sur une démission claire et non équivoque,

(Cass. Soc. 25 mai 2011 n°09-68224)

  • Dès sa notification, le licenciement ne peut être annulé unilatéralement par employeur, qui ne peut revenir sur sa décision qu’avec l’accord du salarié.

(Cass. Soc. 12 mai 1998 n°95-44354)

  • La prise d’acte de rupture du salarié en raison des faits qu’il reproche à son employeur entraîne la rupture immédiate du contrat de travail ; il s’ensuit qu’elle ne peut être rétractée.

(Cass. Soc. 14 octobre 2009 n°08-42878)

 

En outre, par le passé, les clauses qui prévoyaient la possibilité d’imposer au gré de l’employeur une clause de non-concurrence ou de renoncer d’une manière générale à une clause de non concurrence postérieurement à la rupture du contrat de travail, au cours d’une période plus ou moins longue, ont toujours été annulées.

 

Il en est ainsi de « la clause incluse dans un contrat de travail aux termes de laquelle l’employeur se réserve la faculté, après la rupture, qui fixe les droits des parties, d’imposer au salarié une obligation de non-concurrence».                                                                                                   (Cass. Soc. 22 Janvier 2003 n°01-40031)

 

Plus récemment il en a été de même pour : «la clause [qui] réservait à l’employeur la faculté de renoncer à tout moment, avant ou pendant la période d’interdiction, aux obligations qu’elle faisait peser sur le salarié ».                                                                                          (Cass. Soc. 2 décembre 2015 – n°14-19029)

 

En effet, permettre à un employeur de rétracter sa décision de libérer un salarié de sa clause de non-concurrence revient à laisser le salarié dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler.

(Cass. Soc. 13 juillet 2010 n°09-41626)

 

Nous vous invitons, en conséquence, à bien apprécier l’intérêt de libérer ou non votre salarié de sa clause de non-concurrence le moment venu.

 

(CA PARIS Pole 6 Chambre 6 – 22 novembre 2017 – RG n°S 15/13182)