Les ordonnances Macron

 

Plusieurs textes relatifs aux ordonnances Macron ont été publiés en toute fin d’année 2017.

 

On signalera en premier lieu la publication de la 6ème ordonnance du 20 décembre 2017 (dite « ordonnance-balai ») qui prévoit notamment la caducité des stipulations des accords d’entreprise relatifs aux anciennes IRP à compter de la date du 1er tour des élections du comité social et économique. Par ailleurs, le conseil d’entreprise a compétence pour négocier tout accord collectif, y compris ceux portant sur un plan de sauvegarde de l’emploi.

 

En second lieu, l’ensemble des décrets d’application des ordonnances Macron qui étaient attendus sont d’ores et déjà publiés.

 

Parmi ces textes, on relève en particulier

 

  • Le décret n°2017-1698 du 15 décembre 2017 qui précise les nouvelles règles du contentieux de l’avis médical d’aptitude qui s’appliquent depuis le 1er janvier 2018.

 

  • Le décret n°2017-1702 du 15 décembre 2017 selon lequel l’employeur dispose d’un délai de 15 jours pour préciser les motifs énoncés dans la lettre de licenciement, le salarié bénéficiant d’un délai identique pour solliciter des précisions sur ces motifs.

 

  • Les décrets n°2017-1723 et 2017-1724 du 20 décembre 2017 qui organisent les modalités de mise en œuvre des ruptures amiables encadrées par accord collectif, dans le cadre du congé de mobilité ou de la rupture conventionnelle collective (RCC).

 

  • Le décret n°2017-1725 du 21 décembre 2017 qui précise le contenu des offres et des listes d’offres de reclassement en cas de licenciement économique.

 

  • Le décret n°2017-1767 du 26 décembre 2017 qui prévoit que les modalités d’organisation du référendum portant sur le projet d’accord collectif soumis par l’employeur aux salariés dans les entreprises de 20 salariés et moins sont unilatéralement fixées par ce-dernier.

 

  • Le décret n°2017-1386 du 29 décembre 2017 qui fixe notamment la composition du comité social et économique ainsi que le nombre d’heures de délégation dont ses membres disposent.

 

  • Le décret n°2017-1819 du 29 décembre 2017 qui précise notamment que l’employeur dispose d’un délai de 10 jours pour saisir le juge lorsqu’il conteste la nécessité de l’expertise à laquelle recourt le comité social et économique, ou le coût prévisionnel de ladite expertise.

 

  • Le décret n°2017-1820 du 29 décembre 2017 qui a pour objet de réduire le risque contentieux et à laquelle sont annexées 6 lettres-types de licenciement (licenciements pour motif disciplinaire, pour motif non disciplinaire, pour inaptitude, pour motif économique individuel ou collectif)

 

 

Au total, les textes d’application des ordonnances Macron rassemblent à ce jour 22 décrets et 8 arrêtés.

 

L’adoption d’une 7ème ordonnance sur le détachement transfrontalier devrait être adoptée avec la fin du mois de février 2018.

 

La « négligence » du dirigeant – un argument de défense dont l’application dans le temps reste en débat

 

Une décision de la Cour d’appel de Versailles rendue le 7 novembre 2017 (C.A. de Versailles -13ème Chambre, Arrêt du 7 novembre 2017 – RG n° 17/04229) apporte une précision importante sur l’application dans le temps de l’exonération de responsabilité du Gérant prévue par la loi dite « Sapin 2 » du 9 décembre 2016 avec une entrée en vigueur au 11 décembre 2016.

 

Pour rappel, l’article L 651-2 du Code de commerce institue une sanction à l’endroit des dirigeants de fait ou de droit des sociétés mises en liquidation judiciaire par le biais  de l’action en comblement de passif.

 

Ainsi, le dirigeant qui a commis une faute de gestion qui a eu pour conséquence l’augmentation du passif de la société peut voir sa responsabilité personnelle engagée.

 

La loi Sapin 2 a ainsi complété ledit article L. 651-2 du Code de commerce en prévoyant que

 

« Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée ».

 

Au titre de ce texte, la simple négligence du dirigeant n’est plus constitutive d’une faute de gestion.

 

Toutefois, il restait à savoir si cette réforme plus favorable aux dirigeants serait invocable dans le cadre des procédures ouvertes antérieurement à l’entrée en vigueur du texte.

 

La Cour d’appel de Versailles a répondu par la négative, jugeant que seules les procédures ouvertes postérieurement au 11 décembre 2016 se verraient appliquer cette réforme.

 

La motivation de la Cour est particulièrement motivée sur ce point :

 

« L’article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, dispose notamment que ‘lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion’.

 

L’article 146 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 a complété ces dispositions en insérant la phrase suivante : ‘Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée’. A défaut de disposition spécifique de la loi du 9 décembre 2016 rendant cette modification applicable aux procédures ouvertes avant l’entrée en vigueur de la loi et cette modification ne relevant ni d’une loi de procédure ou de compétence ni d’un texte interprétatif, le nouvel article L. 651-2 du code de commerce n’est applicable qu’aux procédures collectives ouvertes après le 11 décembre 2016.

 

Tel n’étant pas le cas de la procédure collective de la société La Boîte ouverte le 14 janvier 2014, M. X ne peut se prévaloir de cette modification législative. »

 

Les praticiens et dirigeants d’entreprises seront attentifs aux suites données à cette interprétation notamment par la Cour de cassation.

Les Sociétés doivent déclarer leurs bénéficiaires effectifs avant le 1er avril 2018

Nouvelle obligation qui s’impose aux entreprises …

 

Cette obligation découle de l’article 139 de la loi n°2016-1691, dite « Loi Sapin II », du 9 décembre 2016.

Elle consiste en l’identification des bénéficiaires effectifs des entités (sociétés, groupements).

 

Un registre centralisant les informations a été créé et il a vocation à renforcer le dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terroriste.

 

Ce registre n’est pas accessible par tous mais seulement par certaines autorités (services judiciaires, autorités douanières, services fiscaux…).

 

La déclaration des bénéficiaires effectifs passe par un formulaire adressé au greffe du tribunal de commerce dont dépend la société.

 

L’article L.561-2-2  du code monétaire et financier donne la définition du bénéficiaire effectif.

 

Concrètement il s’agit de toute personne possédant, directement ou indirectement, plus de 25% du capital ou des droits de vote, ou toute personne exerçant un contrôle sur les organes de direction ou de gestion au sein des sociétés et des organismes de placement collectifs.

Le dépôt du formulaire (un par bénéficiaire effectif) est obligatoire depuis le 2 août 2017 pour les entités nouvelles qui s’immatriculent (sociétés nouvelles).

Les entités déjà immatriculées disposent d’un délai de régularisation de leur situation jusqu’au 1er avril 2018.

 

Par la suite, toute modification dans la société qui viendrait rendre nécessaire une déclaration actualisée (exemple : cession de parts sociales, changement de dirigeant…) doit donner lieu à rectification ou complément d’informations dans un délai de 30 jours de la modification de situation.

 

Il est essentiel de procéder à la déclaration des bénéficiaires effectifs.

 

Des sanctions sont prévues en cas de non déclaration des bénéficiaires effectifs : il s’agit de sanctions pénales.

 

Le défaut de déclaration des bénéficiaires effectifs est puni d’une peine de 6 mois d’emprisonnement et de 7.500 € d’amende (et une amende de 37.500 € pour les personnes morales).

 

Les personnes physiques tenues de déclarer et qui se rendraient coupables de l’infraction de non déclaration encourent également une interdiction de gérer.

Le non-respect de cette formalité a des conséquences graves et importances et il paraît donc comme absolument nécessaire de se mettre en conformité.

La négociation d’un accord d’entreprise dans une TPE désormais possible

Les Ordonnances Macron publiées le 23 septembre 2017 ont modifié en profondeur le droit du travail.

 

L’une d’elles, l’ordonnance n° 2017-1388 du 22 septembre 2017 définit de nouvelles règles relatives à la négociation collective dans les petites entreprises de moins de 11 salariés. (ord. 2017-1385 du 22 septembre 2017, art. 8, JO du 23).

 

La mise en œuvre de cette mesure nécessitait la publication d’un décret d’application paru le 28 décembre 2017. (Décret 2017-1767 du 26 décembre 2017, JO du 28)

 

Il est donc dorénavant possible d’adopter dans une petite entreprise un accord d’entreprise par référendum, à la majorité des deux tiers du personnel.

 

Cette faculté est même offerte aux entreprises dont l’effectif habituel est compris entre onze et vingt salariés, en l’absence de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique.

 

L’employeur doit proposer un projet d’accord aux salariés, qui porte sur l’ensemble des thèmes ouverts à la négociation collective d’entreprise prévus le code du travail.

 

La consultation du personnel est organisée à l’issue d’un délai minimum de quinze jours courant à compter de la communication à chaque salarié du projet d’accord.

 

 

À titre d’exemples, il serait possible de remettre en cause, par accord d’entreprise, le montant d’une prime de vacances d’origine conventionnelle (convention SYNTEC), voire la supprimer, sous réserve, bien évidemment, que les syndicats acceptent de signer un tel accord ou revoir les critères de validité d’une convention de forfait .

 

Ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000035607311&categorieLien=id

Décret n° 2017-1767 du 26 décembre

(https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2017/12/26/MTRT1735508D/jo/texte)

 

Clause de non-concurrence : L’employeur qui a libéré un salarié de sa clause de non concurrence peut-il changer d’avis ?

Le grand nombre de contentieux relatif à la clause de non-concurrence doit conduire les employeurs à faire preuve de la plus grande vigilance en cas de rupture du contrat de travail.

Il est constant qu’il n’est possible de renoncer à une clause de non-concurrence que sous certaines conditions.

Cette possibilité doit tout d’abord être prévue par le contrat de travail ou la convention collective applicable dans l’entreprise. (Cass. soc. 22 février 2006, n° 04-45406)

Si de telles dispositions existent, doivent alors être respectées les conditions de forme qui y sont fixées.

A notre sens, un délai précis et raisonnable de renonciation après la rupture du contrat de travail doit être inscrit dans la clause de non-concurrence conformément à la convention collective, pour que la renonciation soit valable et donc effective.

A notre connaissance, la jurisprudence ne s’était encore jamais prononcée sur la possibilité pour l’employeur de changer d’avis après avoir informé le salarié de la libération de sa clause de non-concurrence, quand bien même ce changement d’avis interviendrait dans le délai prévu par la clause de non-concurrence.

Dans une décision peu surprenante, rendue le 22 novembre 2017, la Chambre 6 Pôle 6 de la Cour d’Appel de PARIS, a considéré que « Si le contrat de travail réserve à l’employeur la possibilité de libérer le salarié de son engagement de non-concurrence dans le mois de sa lettre de démission, il ne lui ouvre pas la faculté de se rétracter dans le même délai ».

Il fallait s’attendre à une telle décision.

En effet, dans tous les domaines du droit social la manifestation d’un acte unilatéral ne peut être rétracté sans l’accord express de l’autre partie.

 

Ainsi :

  • Un salarié ne peut pas revenir sur une démission claire et non équivoque,

(Cass. Soc. 25 mai 2011 n°09-68224)

  • Dès sa notification, le licenciement ne peut être annulé unilatéralement par employeur, qui ne peut revenir sur sa décision qu’avec l’accord du salarié.

(Cass. Soc. 12 mai 1998 n°95-44354)

  • La prise d’acte de rupture du salarié en raison des faits qu’il reproche à son employeur entraîne la rupture immédiate du contrat de travail ; il s’ensuit qu’elle ne peut être rétractée.

(Cass. Soc. 14 octobre 2009 n°08-42878)

 

En outre, par le passé, les clauses qui prévoyaient la possibilité d’imposer au gré de l’employeur une clause de non-concurrence ou de renoncer d’une manière générale à une clause de non concurrence postérieurement à la rupture du contrat de travail, au cours d’une période plus ou moins longue, ont toujours été annulées.

 

Il en est ainsi de « la clause incluse dans un contrat de travail aux termes de laquelle l’employeur se réserve la faculté, après la rupture, qui fixe les droits des parties, d’imposer au salarié une obligation de non-concurrence».                                                                                                   (Cass. Soc. 22 Janvier 2003 n°01-40031)

 

Plus récemment il en a été de même pour : «la clause [qui] réservait à l’employeur la faculté de renoncer à tout moment, avant ou pendant la période d’interdiction, aux obligations qu’elle faisait peser sur le salarié ».                                                                                          (Cass. Soc. 2 décembre 2015 – n°14-19029)

 

En effet, permettre à un employeur de rétracter sa décision de libérer un salarié de sa clause de non-concurrence revient à laisser le salarié dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler.

(Cass. Soc. 13 juillet 2010 n°09-41626)

 

Nous vous invitons, en conséquence, à bien apprécier l’intérêt de libérer ou non votre salarié de sa clause de non-concurrence le moment venu.

 

(CA PARIS Pole 6 Chambre 6 – 22 novembre 2017 – RG n°S 15/13182)

L’expulsion d’un locataire commercial défaillant dans le paiement de ses loyers et charges

Dès la constatation par le bailleur d’un impayé locatif, il est recommandé d’adresser une relance à son locataire pour lui rappeler son engagement de paiement. A défaut, une mise en demeure de payer doit être faite.

Pour tenter de récupérer ses loyers impayés, le bailleur peut effectuer une saisie conservatoire dès le premier jour de l’impayé et alors même qu’aucun commandement n’a encore été signifié au locataire en infraction. Dans le mois de la saisie (si celle-ci est fructueuse), le bailleur devra engager la procédure judiciaire nécessaire à l’obtention d’un titre exécutoire (assignation en conversion de la saisie).

Cette procédure n’est pas toujours celle à laquelle les bailleurs ont recours.

Traditionnellement, les bailleurs utilisent le mécanisme du commandement de payer visant la clause résolutoire.

Le bail contient en effet généralement une clause résolutoire en cas de défaut de paiement des loyers et des charges.

Le bailleur fait donc délivrer par voie d’huissier un commandement de payer visant la clause résolutoire prévue au bail. Le commandement de payer contient une copie de ladite clause résolutoire et un décompte des sommes dues par le débiteur.

Le locataire dispose à compter de la réception du commandement de payer d’un délai d’un mois pour régulariser sa situation.

A défaut de paiement de l’intégralité des causes du commandement au plus tard à l’issue du délai d’un mois, la clause résolutoire est réputée acquise (le locataire devient alors un occupant sans droit ni titre.

Si le locataire régularise sa situation dans le délai alors la clause résolutoire est privée d’effet et le bail se poursuit normalement.

A défaut de paiement, il appartient au bailleur de saisir le juge pour solliciter :

  • La constatation de l’acquisition de la clause résolutoire ;
  • L’expulsion du locataire déchu de ses droits ;

La procédure dont s’agit est généralement celle d’un référé-expulsion qui est introduite devant le Président du Tribunal de grande instance dont dépend l’immeuble.

Il appartient au bailleur de dénoncer cette assignation aux éventuels créanciers inscrits sur le fonds de commerce du locataire (à défaut, le bailleur encourt une irrecevabilité de l’action introduite).

Le locataire peut décider de son côté soit de saisir lui-même le juge aux fins d’obtenir des délais de paiement soit de se défendre en sollicitant également des délais de paiements.

Le Juge des référés rend une décision (ordonnance de référés) aux termes de laquelle il peut :

  • soit constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail. Dans ce cas, il ordonne l’expulsion immédiate du locataire et de tous occupants de son chef, et le condamne également au paiement de l’arriéré locatif, ainsi qu’à une indemnité d’occupation jusqu’à la libération complète et définitive des lieux.
  • soit suspendre les effets de la clause résolutoire en faisant droit à la demande de délai de paiement formée par le locataire (délai maximal de 24 mois pour apurer la dette).

Dans cette hypothèse, le locataire se verra condamner au paiement de l’arriéré locatif qui devra être apuré en plusieurs mensualités. Le locataire est également tenu de payer à bonne date le loyer courant.

La décision du juge contiendra une clause dite de déchéance du terme selon laquelle à défaut de paiement d’une seule mensualité et/ou du loyer courant à bonne date, l’intégralité des sommes restant dues par le locataire deviendront immédiatement exigibles, et le bailleur pourra faire procéder à son expulsion immédiate, ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef.

Si le locataire parvient à apurer la totalité de sa dette en respectant l’échéancier fixé par le juge alors la clause résolutoire est réputée n’avoir jamais été acquise.

L’ordonnance de référé bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire, nonobstant appel. Cela signifie qu’elle doit être respectée par les parties même si l’une des deux fait appel.

Sa signification fera courir le délai d’appel de 15 jours pour chacune des parties pour interjeter appel. La décision définitive ne peut être remise en cause ultérieurement.

Dans le cas où le locataire serait défaillant dans le paiement des échéances, un commandement de quitter les lieux devra être signifié au locataire par l’huissier de justice qui devra ensuite conduire les opérations d’expulsion jusqu’à libération complète des lieux et apurement de la dette.

 

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à contacter le cabinet.